Sur ce chemin-là...

Je commencerai par déchirer méticuleusement CV et biographie qui ne disent pas grand chose, pour transformer ce symbole du formatage en petits papiers volants, les transformer en légers papillons blancs...


Je dessinerai sur une page vierge, un chemin (de montagne, il me semble), serpentin, imprévisible, fait de vertigineuses descentes et de jolies montées. Un chemin agréable, pas simple mais oxygénant. Qui avance sur le papier. Qui n’a d’autre objectif que d’être pour ce qu’il est.

 

Et sur ce chemin-là, je poserai délicatement chacun des petits papillons… Disciplines artistiques rencontrées/pratiquées/explorées depuis une quinzaine d’années. Qui me suivent (à moins que ce ne soit moi qui les suive?). Je les disséminerai tout au long de la voie, comme des balises de randonneurs.


Placé vers le point de départ : il y en aurait un symbolisant le théâtre, celui-ci m’accompagne en ami depuis les débuts du périple, il fait le lien avec les autres papillons, donne du sens, m’amuse, mais plus jeune m’a souvent agacée, mise en colère, je l’ai parfois nié/renié, le trouvais trop bavard, un peu coincé (dans ses quatre murs, dans ses concepts…). Il me bloquait. Je me bloquais. Une vraie relation de compagnon, avec ses hauts, ses bas, ses remises en question mais la certitude toujours du lien qui unit, du jeu qui réunit…

 

Un peu plus loin, un papillon/balise qui m’a sauvé de mes interrogations incessantes autour de la parole théâtrale : une rencontre fusionnelle, explosive : c’est celui qui représente le cirque. Lui m’a offert d’aller plus loin dans mon imaginaire, m’a donné à rêver, à chercher par l’expressivité de mon corps un langage que le théâtre de texte, à ce moment-là, ne me permettait pas. Il m’a proposé de dépasser la peur, de me faire confiance. M’a beaucoup excité, donné des ailes. M’a aussi fait bien du mal la première fois où nous  avons du nous séparer… La passion en somme… Aujourd’hui, notre relation est plus platonique, nourrissante, teintée de douceur et de moins de rigueur… Les acrobaties se font plus rares, mais je monte toujours sur mon fil et continue de me tordre…

La troisième balise est une révélation, une ouverture des possibles, un initiateur de rencontres : il est l’art de rue. Sa venue sur mon chemin m’a offert une certaine liberté, ensemble, nous cherchons l’insolite, pouvons exploser les cadres, respirons au grand air, cherchons la rencontre directe au public, l’interaction joyeuse, l’impact du spectacle dans des espaces non réservés, non établis qui sont le bien de tous, détournons les regards des idées préconçues, créons de nouvelles mythologies…

 

 

Le quatrième papillon est beaucoup plus tardif, je ne l’attendais pas… Sur le chemin, à cet endroit-là, il faudrait dessiner un petit hôpital (fleuri) sorte d’auberge de haute montagne, lieu d’escale pour quelques semaines. Là, le conte débarquerait par une nuit d’orage au ciel craquelé pleurant des litres d'eau (il n’y a pas de mauvais endroits pour faire de belles rencontres!) Il s’est pointé quand mon corps de circassienne restait muet. Le conte m’a remis en jambe (c’est le moins qu’on puisse dire), m’a remis les mots à la bouche, m’a donné à m’exprimer autrement. A nourri mes yeux d’enfant.

 

 

Et puis, il y a la carte de géographie avec laquelle je me ballade pour pas trop me perdre, que j’ai parfois du mal à décrypter. C’est l’écriture… Un compagnon de route plutôt hermétique et peu apprivoisable qui tombe de mon sac souvent quand je ne l’avais pas prévu. Qui me fait parfois prendre des détours ou me perdre un peu! Mais c’est un matériau modelable, sonore et visuel que je trouve inépuisable. Exigeant et toujours en mouvement. 

Sur ce chemin-là, j'en fait souvent qu'à ma tête, amorce des volte-face, prend des mini pauses (pour me rouler dans les herbes hautes), opère quelques retours en arrière (des fois que je n'aurai pas bien compris...) ou sorties de piste, vais voir ailleurs si j'y suis, prends mon élan très fort... La route est là…
Plus j'avance, plus je rencontre. Plus je rencontre plus je découvre... De médiums, de moyens d'expression, qui me touchent au coeur, me font vibrer, m'intriguent... Le radiophonique... Le mouvement dansé... Plus je grandis.

Plus j'avance, moins j'ai envie de me taire. Plus je sens/sais l'art nécessaire.

 

Pauline Fontaine